vendredi 27 juillet 2012

Renault

Pourquoi Renault a échoué en Inde avec la Logan?

Vendredi 7 mai 2010
Par Benjamin PELLETIER

Panne de la Logan en Inde

Mi-avril, Renault annonce qu’il revend à son partenaire indien Mahindra les 49% de la joint-venture créée pour commercialiser la Logan en Inde. Alors que Renault tablait sur 50 000 ventes par an, 2 900 véhicules ont été vendus au premier semestre 2009, soit trois fois moins qu’au premier semestre 2008 qui, déjà, ne cadrait pas avec les prévisions du constructeur. La Logan, pourtant conçue pour les pays émergents, ne se vend pas en Inde. C’est la fin d’une aventure initiée en 2005.

Trois facteurs majeurs sont généralement évoqués pour expliquer cette contre-performance. D’abord, la conjoncture économique. Si le partenariat avec Mahindra date de 2005, la commercialisation de la Logan a commencé en 2007, juste avant la crise de l’automne 2008. Certes, comme partout dans le monde, l’Inde a été affectée. Mais le marché indien de l’automobile s’en est rapidement remis avec une augmentation des ventes de 14,8% entre avril et septembre 2009 alors même que la Logan voyait ses ventes baisser de 68% sur la même période.

Ensuite, la Logan a fortement souffert d’une mesure fiscale prise par le gouvernement indien en 2008. Cette nouvelle mesure pénalise les véhicules de plus de 4 m de long en les assujettissant à une taxe de 24%. La Logan, qui mesure 4,25 m, a ainsi vu son prix exploser. Désormais trop chère pour se positionner parmi les voitures low cost et trop petite pour prétendre rivaliser avec les véhicules d’un standing supérieur, elle n’a plus vraiment sa place sur le marché indien.

Enfin, en janvier 2009, le groupe Tata dévoile la voiture la moins chère du monde, la Nano (cliquez sur l’image pour l’agrandir). C’est une rupture totale. Elle est commercialisée 2 000 dollars dans sa version de base contre 8 000 dollars pour la Logan. Or, le marché automobile indien est à 80% constitué par des modèles compacts, un segment en plein essor. Rappelons au passage que le prix de la Nano représente trois fois le salaire annuel d’un employé indien de la classe moyenne. Ainsi, la Logan qui peut paraître low cost à un Français s’apparente à une voiture de grand luxe pour un Indien.

Quand on considère ces trois facteurs, il semble bien que la Logan n’était pas adaptée au marché indien. L’erreur de Renault a été de croire que la Logan – dont le succès dans nombre de pays émergents est indéniable – pouvait percer en Inde comme ailleurs. Or, s’il y a bien une grande spécificité indienne, notamment en matière d’automobile, elle tient à la nécessité de faire du local pour le local et non pas du global pour le local. Autrement dit, le marché indien exige de profondément maîtriser la culture locale.

La Logan en Inde : une aberration culturelle


Le titre de cette seconde partie peut apparaître excessif, il ne l’est pas du point de vue indien. D’après le dictionnaire, « aberration » au sens propre et au sens étymologique signifie « déviation, écart par rapport à la norme attendue ». La Logan s’écartait tellement de la réalité du marché indien qu’elle en devenue étrangère. A ce titre, nous verrons que la campagne promotionnelle qui a été conçue pour le lancement de la Logan est tout à fait symptomatique de ce décrochage culturel.

Un retour aux sources de la Logan s’impose. Ce véhicule est construit par Dacia, une filiale de Renault depuis 1999, à tel point que dans certains pays on parle de la Dacia Logan et non de la Renault Logan. Dacia est une entreprise roumaine qui traditionnellement produit des dérivés de la gamme Renault. En 2004, le constructeur français lance la Logan avec Dacia. C’est un grand succès en Roumanie, puis dans de nombreux pays émergents.

Pourquoi un produit qui se vend au Maroc, en Russie, en Iran ou en Colombie se vend mal ou peu en Inde ? D’abord, on a vu que son positionnement posait problème : trop chère pour les pauvres, pas assez luxueuse pour les riches. En outre, si elle vise les classes moyennes, elle arrive trop en avance pour ce marché encore embryonnaire en Inde. Ensuite, il ne faut pas négliger un important facteur esthétique : le design de la Logan était jugé vieillot et démodé par les Indiens. La Logan n’incarnait pas la modernité.
En outre, un analyste indien, Chacko Philip, me signale qu’au début du lancement de la Logan, il y a eu des problèmes d’adaptation au marché indien. D’une part, la voiture a été vendue avec les contrôles pour les clignotants à gauche du volant, et non pas à droite comme en Inde. D’autre part, le pare-brise n’était pas adapté à la conduite à gauche. Par ailleurs, la Logan, conçue à l’origine pour les marchés de l’Europe de l’Est, n’était pas représentative de l’image de la France auprès des Indiens. Par rapport à son prix, les Indiens s’attendaient donc à une voiture moins rudimentaire et plus novatrice.

Or, l’Inde d’aujourd’hui veut se donner une image moderne tout en conservant ses traditions. Aussi modeste soit-il, ou semble-t-il, un véhicule doit incarner ces deux dimensions. Il faut reconnaître que la Logan est passée complètement à côté. En témoigne la campagne publicitaire qui a accompagné son lancement. A vouloir être trop moderne et trop ancrée dans la culture globale, elle s’est éloignée de la modernité indienne et de la réalité locale.

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